Saison de navigation 2019 - Part 2 De Ceuta (Afrique) à Martigues (Provence)
Habituellement Petit Prince 2 est le plus petit des bateaux en escale. Mais cette fois notre voisin au long cours est d'un pied plus court et il vient de bien plus loin. C'est un Halberg Rassy 24 pieds. Parti de Suède, il va rejoindre la Tunisie avec son propriétaire et deux équipiers. Je reste vraiment impressionné. L'étape de Ceuta est donc pleine de belles surprises et après une semaine il est temps de remonter vers le nord et de rejoindre à nouveau la péninsule ibérique. Le Poniente ne sera que de courte durée et il faut en profiter pour traverser la Mer d'Alboran, cap sur Almeria. C'est sous vent frais portant que nous quittons Ceuta. Petit Prince avance vite, fend l'eau à 6 ou 7 nœuds sous sa voile bleue et je prends plaisir à observer l'hypnotisante vague blanche d'étrave. Dans le milieu de l'après-midi nous croisons un groupe de globicéphales, les premiers de ce voyage. Les dauphins sont plus communs. Ils venaient nous saluer presque chaque jour en Atlantique. Imperceptiblement le vent descend à l'approche de la terre. Il ne tiendra pas jusqu'à Almeria, notre halte sera donc Almerimar, quelques milles un peu plus à l'ouest. J'en profite donc pour prendre le bus jusqu'à Almeria. Traversée de milliers d'hectares de serres plastifiées produisant des légumes et des fruits à destination des pays européens. Puis vue plongeante sur le bord de mer de cette côte escarpée, rocheuse et aride. Dehors la chaleur est étouffante et l'air conditionné du car est le bienvenu. Traversée de Roquetas de Mar, station balnéaire très animée. Enfin, Almeria et visite de la Alcazaba perchée sur les hauteurs de la ville. C'est aussi la féria ici et j'en profite pour m'immerger dans cette ambiance typique espagnole. Après une autre ballade, sur les contreforts sud de la Sierra Nevada, la brise nous appelle. On hisse les voiles pour passer le Cabo de la Nao et s'arrêter, faute de vent, à Garrucha. Nous sommes maintenant dans un régime de vents thermiques. Difficile de faire de longues étapes dans ces conditions, le vent de jour étant contraire et le vent de nuit pratiquement inutilisable car trop faible. En cette saison (nous sommes fin août) où la terre est très chaude, la seule possibilité d'avoir un vent favorable pour faire une route nord ou nord-est, est d'attendre le passage d'une perturbation qui va désorganiser ce système établi.
Après le sympatique mais bruyant port de Garrucha (très petit prix mais passage journalier incessant, sur la jetée abritant la marina, d'une colonne de camions chargés de sable pour remplir un cargo), nous remontons sur Cartagena. Des globicéphales viennent, cette fois, nous accueillir peu avant l'arrivée. Trop peu de temps pour rester dans cette cité historique malheureusement, mais Cartagena est un stop-over inévitable à recommander particulièrement, prix raisonnable et marina confortable avec piscine (50m) inclue.
Autre escale à ne pas manquer, Alicante. Et après la visite de la vieille ville, du château Santa Bárbara au sommet du Benacantil, ou une promenade sur l'Explanada de España bordée de palmiers, passez donc chez Borgonesse, devant La Plaza Portal de Elche aux ficus plusieurs fois centenaires, c'est le meilleur glacier de la ville. Un autre arrêt remarquable sur la Costa Blanca, Altea et son vieux village de charme aux maisons blanchies à la chaux et dominé par les coupoles aux tuiles bleues et blanches de l'église tout au sommet de la colline.
Puis un souffle de sud nous porte bientôt vers le nord. À hauteur du Cabo de la Nao, ce zéphir se transforme en bourrasque et en approchant de Denia on est pas loin du grand frais. La météo a annoncé l'approche d'une forte dépression et le baromètre du bord descend. Il est temps de ce mettre à l'abri et ce sera ici, à Denia. L'arrivée est peu engageante. Deux jetées, dont l'une, beaucoup plus longue que l'autre, pique droit vers le large. Au bout de celle-ci gît une épave récente d'un ferry, signalée dans les avis urgents aux navigateurs diffusés en VHF et des travaux de démantèlement progressent autour. Avec un force 6 dans le port, je me dirige vers la Marina de Dénia, la seule conseillée par mes instructions nautiques, le Bloc Marine Espagne 2019 qui n'est pas à jour ! Et j'ai quelques difficultés à trouver un endroit où amarrer le bateau en sécurité. Au bureau de la marina, je suis mal acceuilli, mon bateau est trop petit... et on veut me faire payer pour 12 mètres. Il n'en est pas question ! On fait venir le capitaine de la marina. La conversation s'envenime. Au bout d'une demi-heure de palabres, il finit par me dire qu'il y a la marina El Portet de l'autre côté du port avec des places pour des bateaux en-dessous de 12 mètres. Et en effet, là j'obtiendrai un tarif, cher certes, mais plus en rapport avec la taille de mon bateau. La tempête arrive, nous serons bloqués 6 jours sous la pluie, des orages et le vent qui va monter à force 12 (ouragan) et nous essuierons le passage d'une tornade. Les derniers jours, malgré le vent, les nuages sont descendus au ras des flots et il règne un épais brouillard sur le port. L'attente est longue mais en fin de compte, après un départ trois fois reporté, le vent est bon pour faire route vers le nord et nous partons sous la grisaille. Mais plus nous montons au nord et plus le ciel se dégage et finalement redevient bleu, mais derrière nous rien a changé sur Dénia.
Après une centaine de milles, cette brise qui nous poussait disparaît le jour suivant et nous relâchons à Benicarlo. Un bateau de 27 ou 28 pieds, battant pavillon français, vient au ponton prendre la place voisine. Je pensais que peut-être il remontait aussi vers la France, et nous engageons la conversation. Son équipage, Geneviève et André m'apprennent que son port d'attache est juste un peu plus haut, à l'Hospitalet de l'Infant. Et c'est aussi ainsi, que nous nous retrouvons ensemble devant un excellent plat indien au restaurant Ali Baba sur le quai devant la marina. Nous convenons de faire la route ensemble, le lendemain. Vent faible mais forcissant plus tard et départ au moteur jusqu'au Cabo de Tortosa à l'extrémité du delta de l'Èbre. Au Cabo de Tortosa le vent forcit à 5 mais changement de direction. On doublera le Cabo au vent de travers sous gennaker. Arrivée sans vent, à la tombée de la nuit à l'Hospitalet où une place réservée attend Petit Prince. Merci à Geneviève et à André et aussi un grand merci pour les différentes visites dont on trouvera les images dans les galeries ci-dessous. L'Hospitalet a été une étape fort agréable.
Un petit souffle de sud me décide à avancer une fois de plus. Et je n'irai pas bien loin. À peine 18 milles marins sont couverts et force est de m'arrêter à Tarragona, ville incontournable de Catalogne. Par hasard, j'arrive le premier des deux jours principaux de la Fête de Santa Tecla, une procession parmi les plus importantes d'Espagne. Ces deux jours clôturent également les réjouissances de cette fête qui dure une semaine. Évidemment je ne peux pas repartir sans avoir assisté à cet évênement. Le cortège qui fait plusieurs fois le tour de la vieille ville se termine en apothéose de feu sur le parvis de la cathédrale.
Le climat a changé depuis mon entrée en Catalogne. Il fait moins chaud, le littoral est verdoyant et les vents plus variables en direction. Je vais donc pouvoir monter plus vite vers mon but. C'est encore au portant que nous gagnons Barcelone, Olympic Marina, que je choisi car elle est à l'extérieur du grand port, et donc on y entre et on en sort plus vite. On ne s'attarde pas dans la capitale catalane car je sais que j'y reviendrai. Départ le lendemain à la mi-journée, 80 milles nous séparent de Roses, dernière halte en Espagne. Arrivé très tôt le matin suivant, nous n'y restons qu'une journée et la nuit suivante. Un petit vent de sud-est est annoncé. Et c'est le moment de traverser le Golfe du Lion. Départ en début d'après-midi pour une arrivée le matin à Martigues. Le vent est plutôt léger mais le gennaker tire quand même bien Petit Prince 2 tout au long de la nuit. La côte est peu élevée et ce n'est que tardivement que nous voyons apparaître Port-de-Bouc sous un soleil radieux. Remontée du canal de Caronte jusqu'à Martigues et une heure d'attente au quai de l'Hôtel de Ville à l'entrée du bassin de Ferrière en attendant la prochaine ouverture du pont levant qui donne accès à l'Étang de Berre. À 15 heures, après presque quatre mois de navigation, ce voyage prenait fin. Petit Prince 2 était amarré à La Mède.
Pour terminer, il me faut remercier tout d'abord "BigShip STL Nautisme" à Granville, pour le sérieux avec lequel ils ont suivi mes commandes relatives à la préparation du bateau ainsi que la compétence de leurs conseils au long des ces deux dernières saisons, puis, pour l'accueil ou l'aide qu'ils m'ont apportée, J-B sur S/V Sheratane (Granville), Daria et Alex sur le S/V Aleria (OCC), Maryline et Serge sur S/V Ylang ani, Gilles du S/V Ermos, Alan et Kate sur S/V Far Fetched (OCC), Eskander et son équipage, Konstantin et Christian, sur S/V Nejia, Nicole et Philippe sur le S/V Shangri-La 3 (grand merci pour votre aide à Almerimar), Lynne et Phil sur S/V Dark Tarn (OCC), Geneviève et André sur S/V Alea, les radioamateurs F6CTS et CT7ANH rencontrés à Lagos, CT7/EA8CMS pour les relais des messages quand la propagation ne permettait pas un contact direct depuis la position du bateau avec le radio-club de Waterloo (Belgique). Remerciements tout particulier aux stations du radio-club de Waterloo (ON4BE, ON4KNP, ON4TX, ON4ZD, ON5DS, ON5EG, ON5JV, ON5TA, ON6DU, ON7JV, ON9CBA) qui ont suivi le voyage de bout en bout pendant 4 mois, pour la plupart avec une assiduité exceptionnelle, présents chaque jour pour établir la communication avec le bateau, liaisons particulièrement utiles pour les prévisions météo. Merci aussi aux stations contactées ponctuellement ainsi qu'aux stations lointaines (elles se reconnaîtront ici) contactées au hasard de la propagation et qui laissent de bons souvenirs comme par exemple VE9ZY au Canada. Dernier point, mais non le moindre, merci à tous ceux qui ont suivi Petit Prince 2 (ils se reconnaîtront) pendant son parcours et à Horizon Marine (La Mède) pour le sympathique accueil à mon arrivée.
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